Novembre 2021. Un évènement important a lieu dans les beaux locaux de la Maison des Associations de Saint-Germain-En-Laye, dans le quartier historique de la ville. Deux jours d’ateliers d’une heure et demie pour enfants. Les enfants sont répartis en groupes selon leur âge et, à l’exception du Collège, accompagnés des parents. Les parents, ainsi que d’autres adultes intéressés, se voient proposer une conférence de deux heures. Le tout sous la direction de Mme Faustyna Mounis, docteur en psychologie. Sujet : « L’Enfant bilingue – La quête de l’identité – Qui suis-je ? »
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On regarde comment ça se passe ?
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Un dimanche pluvieux mais tellement riche en émotions… Souvent inattendues. Les parents accompagnent leurs enfants aux ateliers de Mme Faustyna Mounis, psychologue spécialisée en bilinguisme et biculturalisme, vivant en France. Ce n’est pas la première rencontre mais ça l’est pour nombreux d’entre nous. Au programme des ateliers pour enfants suivis d’une conférence pour adultes. Nous ne nous connaissons pas entre nous (ou presque) et nous ne connaissons pas (ou presque) Mme Mounis. Nous nous asseyons en cercle et attendons ce qui va arriver ensuite, tout comme nos enfants.
Un instant plus tard, Mme Mounis brise la glace, tout le monde se détend, l’ambiance devient presque familiale. Ce n’est pas pour rien qu’elle est psychologue clinicienne et en même temps, maman de quatre garçons bilingues ! Et aussi, une personne ouverte et chaleureuse.
Pour commencer, un exercice portant sur l’identité, qui démontre le besoin d’appartenance à la communauté tout en gardant sa propre individualité. Les uns aiment les mêmes choses, d’autres pas ; que d’agitation, rires, de joyeux chaos, enfants et parents confondus ! Parmi les mamans, l’unique papa qui avait déjà abandonné l’idée d’apprendre le polonais (car c’est une langue fort difficile et qui ne ressemble à rien de familier…), se souvient même d’un coup qu’il « aime les tomates » !
Dans cet esprit joyeux, nous sommes d’attaque pour le deuxième exercice : tous, enfants et parents, réfléchissent sur leurs rêves, leurs plats préférés, sur ce qu’ils aiment le plus, ce qu’ils n’aiment pas, ce qui les énerve, ce qui compte le plus pour eux. L’essentiel, pourrait-on dire, et pourtant… La réponse s’avère pas tellement évidente, du moins pas instantanée. Nous prenons conscience du fait que dans le monde qui fonce à une vitesse vertigineuse, nous ne consacrons plus le temps qu’il faut à l’introspection, à notre « moi » le plus intime qui, après tout, est la base de notre identité. Avant de nous lancer dans la quête de notre identité d’immigrant, rappelons-nous de qui nous sommes en tant que personne, en notre for intérieur. Et ne nous laissons pas entraîner dans le tourbillon des tâches quotidiennes en oubliant ce qui nous importe le plus, ce qui nous définit. Inculquons cette valeur à nos enfants. Cela nous aidera à l’étape suivante, celle du décodage et d’apprivoisement de notre identité d’immigré. Cela aidera nos enfants dans la construction de leur identité biculturelle. Un exercice simple, on aurait dit, mais quelle prise de conscience !
Enfin, place à l’expression artistique. Nous représentons le bilinguisme / biculturalisme dans notre famille / maison. Les enfants créent côte à côte avec les parents, l’ambiance est studieuse et créative en même temps. Connotations instantanées, symboles, œuvres réalistes et abstraites. Mamie, avion, maison, drapeau… Même les plus timides parmi les enfants finissent par s’ouvrir.
Cette belle collaboration est bien récompensée : douceurs pour tous ! Ensuite, nous nous passons « l’étincelle », les enfants rentrent à la maison (certains n’en ont pas du tout envie) et les mamans restent pour la conférence.
La formule prévoit un exposé entrecoupé d’exercices. Faustyna (car nous la voyons déjà presque comme une amie) nous présente les principaux concepts de l’identité en tant que telle, ainsi que dans un contexte d’immigration. Elle nous parle de la différence qui ne laisse jamais les autres indifférents et du choc culturel, inextricablement lié au fait de quitter sa patrie, mais aussi d’y revenir. Elle aborde les phases de crise identitaire qui sont nombreuses dans la vie, et ce dès le plus jeune âge. De quoi être rassuré : la crise est donc un phénomène normal, voire cyclique. Il est bon de ne pas l’oublier afin de ne pas « se perdre dans la traduction ». Et surtout, la crise nous fait grandir ! Plus encore : il n’y a pas d’évolution sans crise ! Relevons les défis et nous serons toujours récompensés, même si le résultat ne correspond pas tout à fait à nos attentes initiales. Et quand nous n’arrivons pas à satisfaire un besoin important, ne restons pas frustrés, essayons plutôt de trouver une solution alternative.
Nous discutons ensuite du rôle de la famille et d’autres facteurs essentiels dans le processus de construction de l’identité, cette dernière étant une notion évolutive qui change dans le temps. Nous apprenons la notion récente d’identité « flottante », liée à l’essor des médias sociaux qui permettent à chacun de se « réinventer » à volonté, tel un caméléon. A une telle époque, il est d’autant plus crucial de ne pas oublier qui nous sommes véritablement dans notre âme.
La conférence aborde des sujets très vastes, nous incitant à les approfondir par nous-mêmes. Nous pourrions écouter et discuter comme ça pendant des heures et des heures… Et c’est par manque de temps que nous ne faisons finalement qu’un seul exercice, mais qui en vaut bien la peine ! Nous partageons nos expériences, nos chemins d’émigration, nos réflexions, inquiétudes et espoirs. Spontanément, ouvertement et longuement ! A en oublier les masques-covid sur nos visages… Nous parlons de nos prénoms polonais, nos familles, nos enfants… Et nous pourrions continuer comme ça encore et encore mais cela fait longtemps que l’heure a sonné et il va bien falloir repartir.
A la fin de la journée, nous sommes… de futures amies ? En tout cas, nous voulons plus de rencontres avec Faustyna, et nous voulons rester en contact entre nous.
C’était une journée importante, pour nous et nos enfants. Nous rentrons chez nous submergées d’émotion, de réflexions et de bonne énergie.
Auteur du texte: Anna Barreau